Le thème : « L’union salvifique »
Le quatrième dimanche de Pâques se concentre sur l’union du croyant/ de la croyante avec le Christ. Sachant que celle-ci l’unit à Dieu en ce monde, pour finalement le/la conduire à la vie éternelle.
Le contenu de la première lecture correspond au discours de défense que Pierre prononça devant le Sanhédrin. Le Sanhédrin était un organisme juif de gouvernement chargé des questions administratives et religieuses concernant les Juifs vivant à Jérusalem et en Judée. Le discours précédent de Pierre avait eu lieu dans le Temple et en présence de la foule juste après la guérison d’un paralytique. C’est cette guérison qui avait entraîné son arrestation, ainsi que celle de Jean, par les autorités. Leur comparution devant le Sanhédrin offrait maintenant aux deux apôtres une opportunité pour témoigner du Seigneur ressuscité devant « les chefs du peuple, les anciens et les scribes ». Ces autorités juives leur avaient lancé ce défi en posant la question suivante : « Par quelle puissance, par le nom de qui, avez-vous fait cette guérison ? » (Ac 4, 7). La lecture d’aujourd’hui donne une partie de la réponse de Pierre.
Ce dernier parle sous l’action de l’Esprit Saint. Ainsi se réalisent les paroles de Jésus qui avait promis que l’Esprit guiderait les chrétiens/les chrétiennes, précisément dans ce genre de circonstances (cf.Lc 12, 11-12). Tout en se référant très habilement au geste de guérison, Pierre déclare que Jésus, crucifié par les hommes et ressuscité par Dieu, est en fait le sauveur attendu depuis si longtemps. En grec, le mot employé pour « guérison » signifie aussi « salut ». Le salut n’est donc rien d’autre que la guérison définitive de l’humanité affligée par le péché et par la mort. Par sa mort et sa résurrection Jésus, accomplissant les paroles du Psaume 118 (verset 22), est devenu la pierre d’angle de la vie nouvelle, une vie guérie et restaurée. La guérison physique du paralytique apparaît ainsi comme la manifestation et le signe du salut définitif qu’offre Jésus. C’est le message que Pierre proclame avec audace devant les chefs et devant tout Israël. Par cette déclaration et celle qu’il a faite précédemment dans le Temple, tous ceux et toutes celles qui sont à Jérusalem savent désormais que le salut advient « au nom de Jésus ». Cette dernière expression implique d’entrer, par la foi, en union étroite avec le Christ. Et une telle union conduit au salut éternel.
Le passage extrait de la première lettre de saint Jean rappelle aux croyants et aux croyantes la grande dignité dont ils/elles ont été gratifié/es. Parce que le Père les a aimé/es, ils/elles sont devenu/es les enfants de Dieu, ses bien-aimé/es. L’amour paternel du Seigneur à l’égard de son peuple avait déjà été révélé par l’Ancien Testament, entre autres dans un propos comme celui d’Osée 11, 1 : « Oui, j’ai aimé Israël dès son enfance, et, pour le faire sortir d’Égypte, j’ai appelé mon fils. » Cela étant, la plénitude de cet amour a été manifestée dans toute sa profondeur quand Dieu a envoyé son propre Fils qui est mort pour ses bien-aimé/es (cf.Jn 3, 16). Bien que les croyants et les croyantes soient déjà enfants de Dieu, toutes les implications de cette identité demeurent encore cachées au regard des humains. Pour cette raison, « le monde » (ceux et celles qui n’ont pas la foi) ne connait pas les croyants et les croyantes. Le chemin chrétien dans sa spécificité reste obscur et difficile à comprendre pour les incrédules. Sans compter que les chrétiens/ les chrétiennes eux-mêmes/elles-mêmes ne sont que partiellement conscient/es des implications que recèle le fait d’être les « biens-aimé/es de Dieu ». La pleine signification de ce don ne sera vraiment connue que dans l’union définitive avec Dieu, lorsque le salut éternel sera devenu une réalité. L’auteur décrit magnifiquement cette union future en ces termes : « nous verrons » Dieu « tel qu’il est » Cette union a ses racines dans le monde présent où les croyants et les croyantes sont uni/es à Dieu par le Saint-Esprit. Mais elle ne deviendra plénière que dans l’avenir, quand tous les effets de l’œuvre salvifique de Jésus auront été manifestés et expérimentés.
Le thème de l’union avec Jésus domine la lecture de l’Évangile. L’auteur utilise l’image du berger pour rendre compte de cette union. Dans notre passage, nous trouvons l’un des nombreux « je suis » johanniques, mis sur les lèvres de Jésus : « je suis le bon pasteur. » Dans cet évangile, de telles expressions sont employées pour révéler les aspects les plus importants de la mission et de l’identité de Jésus. Par conséquent, la figure du bon pasteur n’est pas simplement une belle image, propre à inspirer, elle est un instrument utilisé pour exprimer trois convictions fondamentales concernant la mission de Jésus en ce monde et sa relation aux croyants et aux croyantes.
La première caractéristique du bon pasteur mise en valeur dans la lecture d’aujourd’hui est sa volonté délibérée d’offrir sa vie afin que ses disciples, « ses brebis », puissent vivre. Anticipant son sacrifice sur la croix, Jésus se décrit lui-même comme totalement engagé à l’égard de ceux et de celles qui lui ont été confié/es. Un engagement aussi profond le différencie des faux pasteurs qui s’enfuient en abandonnant leur troupeau à la vue du danger. En tant que bon berger, Jésus s’apprête à aller jusqu’au bout pour assurer la vie éternelle à ses disciples.
La deuxième caractéristique du bon pasteur soulignée dans le passage de ce jour est la connaissance mutuelle qui lie Dieu, Jésus et les croyants/croyantes. « Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent,comme le Père me connaît, et que je connais le Père. » Cet écheveau de connaissance mutuelle manifeste le lien que Jésus établit entre le Père et les croyants/les croyantes. Le concept biblique de « connaissance » ne se réduit pas à un savoir théorique ou abstrait. Dans le langage des Écritures, « connaître » suppose d’avoir part à l’identité de quelqu’un ; connaître revient à ressembler à celui/à celle qu’on connaît. Jean insiste sur le fait que les disciples connaissent Dieu grâce à Jésus. En établissant une telle communion, Jésus fait des croyants/des croyantes des participants/participantes à la vie divine. Et cette participation à la vie de Dieu qu’il permet, fait de lui le bon pasteur.
Enfin, Jésus, le bon berger, parle de sa résurrection. La résurrection est le but ultime de sa mort sacrificielle et de sa mission dans le monde. En ressuscitant, Jésus détruit le pouvoir de la mort garantissant par là à ses disciples, son troupeau, la vie en abondance, la vie éternelle, la vie en présence de Dieu pour toujours. Cette vie éternelle ne signifie rien d’autre que le salut - la pleine connaissance de Dieu et l’union avec lui dans l’éternité.
Le quatrième dimanche de Pâques, dans la suite des précédents, envisage les effets de la résurrection sur les croyants/les croyantes en se centrant sur leur union avec Dieu par le Christ. La liturgie révèle que l’amour de Dieu pour l’humanité sous-tend la mission de son Fils dans le monde. Le projet de Dieu est de conduire les fidèles à la pleine union avec lui, en sorte qu’ils/elles puissent le voir « tel qu’il est ». Une telle union a été établie par Jésus qui, bien que rejeté, est devenu « la pierre d’angle ». Ainsi le bon berger a-t-il « déposé » (donné) sa vie pour ses disciples afin de vaincre la mort. Il a aussi fondé un rapport de « connaissance mutuelle » entre Dieu et les croyants/croyantes, un lien qui font d’eux, déjà en ce monde, les enfants de Dieu. Cette connaissance et cette union avec lui, commencées ici-bas, prendront leur plein effet dans la vie éternelle. Les fidèles, conscient/es que Dieu les attire dans une union salvifique par la médiation de Jésus, peuvent avec raison faire monter leur prière d’action de grâce en reprenant les mots du psalmiste : « Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! »
Accéder au palais présidentiel du chef de l’État est difficile. Les tracasseries administratives et les contrôles de sécurité sont suffisants pour effrayer toute personne désireuse de lui parler. Toutefois les enfants du président n’ont aucun mal à rencontrer leur père. Leur statut d’enfants leur donne un accès sans restriction aucune, à une personne qui, autrement, est inatteignable. De façon similaire, uni/es au Christ, nous sommes devenu/es les enfants du Père et nous avons pleinement accès à son royaume. Cette union salvifique conduit l’auteur de la première lettre de Jean à s’exclamer ainsi : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. »
Cette même union salvifique se reflète dans le langage sacramentel lorsque, durant la messe, le prêtre mélange l’eau au vin en disant : « Comme cette eau se mêle au vin, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité. »
L’union que nous avons avec Dieu, dans et par la personne de Jésus, est analogue à celle qui existe entre le mari et la femme dans le sacrement du mariage. Lors de l’engagement des époux, l’un déclare solennellement à l’autre qu’il/elle lui sera fidèle dans les jours de bonheur et dans les jours de malheur, dans la maladie et dans la santé, pour le meilleur et pour le pire. Dans une telle union, le mari et la femme partagent tout ce qu’ils sont et tout ce qu’ils ont. De façon similaire, l’union salvifique qui rattache chaque chrétien/chaque chrétienne au Christ lui permet d’accéder à tout ce qui est à sa portée dans le royaume des cieux.
Jésus annonce son engament dans cette union salvifique lorsqu’il dit : «je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent… et je donne ma vie pour mes brebis. » Ainsi, il se donne complètement à nous dans cette manifestation sans équivalent de l’amour du Père pour nous.
Il existe un proverbe qui a cours tant au Nigeria qu’au Ghana. Il nous dit ceci : « Un enfant qui se lave les mains peut manger avec ses aîné/es » Oui, en participant au mystère pascal du Christ par les sacrements de l’initiation chrétienne, nous nous sommes lavés les mains et avons maintenant accès au « Pain du ciel » et à l’« Arbre de Vie ».
La joie de Pâques n’est pas ponctuelle ou fugace. Elle est de l’ordre d’une expérience durable, d’un bonheur total et sans fin qui transcende l’espace et le temps. Nous nous réjouissons sur la terre et, au même instant, notre espérance se tourne au-delà, vers la résurrection, lorsque notre vie d’ici-bas aura pris fin. Oui, « ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. » Là est le fondement de l’espérance et de la confiance que nous avons en tant que chrétiens et chrétiennes. C’est cette même confiance qui a permis à Pierre de s’adresser sans crainte « aux chefs du peuple et aux anciens ».
Comme il en fut pour Pierre, le temps pascal nous donne l’opportunité de témoigner de la puissance de la résurrection et de faire connaître à chacun et à chacune que l’amour de Dieu s’est rendu visible dans la personne de Jésus. Nous pouvons accéder à cet amour divin par la foi en lui. De fait, cette foi nous apporte le salut dans toutes les dimensions de notre vie. En cela réside l’unique effet de l’union salvifique que nous vivons dans le Christ.